La corruption, sous Mao Tsé-Toung, était déjà un sport national. Pour autant, depuis la conversion de la Chine communiste au « capitalisme pragmatique », en 1976, jamais le pays n’aura mieux mérité son surnom d’ « Empire du Milieu » : sauf que ce « Milieu », aujourd’hui, fait davantage référence à la mafia qu’au « centre de la civilisation »…
En 1989, déjà, la corruption représentait le premier motif de mécontentement au sein de la population, au même titre que l’inflation. En 1993, pas moins de 60 000 cadres avaient été « rééduqués » par le Parti, tandis que ce dernier faisait tomber quelques têtes, au sommet : une dizaine d’exécutions étaient prononcées et le Vice-Ministre de la Science et de la Technologie, Li Xiaoshi, et son épouse, étaient condamnés respectivement à 20 et 15 ans de réclusion pour leur implication dans le scandale de la société « Grande Muraille », une société qui proposait des taux d’intérêt de 24% (rien que ça…) pour de faux bons de souscription.
En 1998, l’ancien Maire et chef du Parti Communiste de Pékin, Chen Xitong, échappait de justesse à la peine de mort, écopant de 16 ans de réclusion après la découverte d’un vaste réseau de détournement de fonds portant sur plus de 2 milliards de dollars : cette condamnation faisait écho au suicide « opportun », trois ans plus tôt, de Wang Baosen, son adjoint direct à la mairie…
D’après un expertise réalisée par un économiste renommé, Hu Angang, en 2001, la corruption aurait coûté pas moins de 150 milliards de dollars à la Chine, en l’espace de quelques années, soit l’équivalent de 15% du PNB. Depuis, le phénomène n’a cessé de s’amplifier, la mafia ayant infiltré l’appareil d’Etat, à tous les niveaux.
Le 23 juillet 2011, deux TGV entraient en collision, près de Wenzhou, dans l’est du pays, faisant 40 morts et 170 blessés : cette catastrophe entraîna le limogeage du Ministre des Chemins de fer, Liu Zyun, surnommé « Monsieur 4% », et condamné à la peine de mort (avec sursis…) deux ans plus tard. Artisan du développement du TGV en Chine, ce dernier possédait pas moins de 16 voitures, 350 appartement et entretenait 18 maîtresses. (Le Point-11.7.2013). Plus récemment, « tombait » à son tour le tout puissant patron des services de sécurité chinois, Zhou Yongkang, surnommé le « parrain du Sichuan », crédité d’un patrimoine de 14,5 milliards de dollars, dont 300 villas et appartements, ainsi que 60 véhicules. (Sébastien Falletti-Le Figaro-31.7.2014)
Parallèlement à la corruption endémique qui mine un Parti Communiste vieillissant, se profile une génération nouvelle qui a très vite assimilé les techniques qui permettent de s’enrichir, en quelques « clics ».
Ainsi, en janvier dernier, éclatait au grand jour une fraude opérée par deux employés de la 3ème banque du pays : l’Agricultural Bank of China. Ces derniers avaient entrepris de vendre illégalement des lettres de change, en Bourse, tablant sur des gains futurs pour remplacer les titres au moment le plus opportun. Sans doute personne ne se serait aperçu de cette fraude si, dans l’intervalle, les Bourses chinoises n’avaient brutalement « dévissé » de 40%… (Le Figaro-27.1.2016)
S’il a été établi que les opérations de ces émules de Jérôme kerviel pourraient avoir coûté près de 550 millions d’euros à la banque, cela n’est rien au regard de la performance réalisée par un dénommé Ding Ning, le « Madoff chinois ». Ce sympathique jeune homme, tout juste âgé de 34 ans, eut l’idée de créer de toutes pièces, en 2014, un site internet baptisé EZUBAO, à travers lequel il proposait aux « gogos » de placer leurs économies sur des projets offrant des taux de rendement compris entre 9 et 14,5% garantis : on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre…
Afin de gagner la confiance des épargnants, Ding Ning n’avait pas lésiné sur la publicité, s’offrant des panneaux géants sur les murs de la capitale et courant tous les plateaux de télévision, allant même jusqu’à obtenir du gouvernement chinois le label d’ « entreprise responsable » : un comble…
En fait, vous l’aurez compris, 95% des projets proposés n’avaient jamais existé et les placements effectués répondaient à une technique bien connue : la « pyramide de Ponzi ».
Résultat : 7,6 milliards de dollars évaporés et un million de petits porteurs chinois floués, en un temps record… (Sébastien Falletti-Le Figaro-1.2.2016)
Comme quoi, au final, communisme et capitalisme sont infiniment moins éloignés qu’il n’y paraît : il ne s’agit pas d’autre chose, pour un petit nombre d’initiés, que de tirer le maximum de profits, au détriment du plus grand nombre…