Le Crédit Lyonnais fait partie de ces scandales qui, régulièrement, discréditent la classe politique française et ses « serviteurs », en même temps qu’ils font le lit du Front National.
Aux 20 milliards d’euros de pertes supportées par les contribuables, en 1996 (40% du montant de l’impôt sur le revenu), il conviendrait d’ajouter ceux du GAN (4 à 5 milliards), du Crédit Foncier ou du Comptoir des Entrepreneurs (encore quelques milliards….), autres scandales dans lesquels l’argent public fut imprudemment investi ou généreusement distribué, avec la bénédiction des autorités de tutelle.
Si Bernard Tapie a su habilement tirer profit du système, il n’en demeure pas moins, qu’à côté des financiers de « haut vol », il fait figure de « pâle voyou » ou de « braqueur de supérette »…
A l’époque, il n’imaginait sans doute pas à quel point la « planète finance » allait devenir folle, avec la création « d’instruments » ou de « véhicules » financiers toujours plus complexes et toujours plus risqués qui, s’ils enrichirent un certain nombre d’initiés et d’acrobates patentés, n’en ruinèrent pas moins bon nombre d’épargnants et d’investisseurs, sous toutes les latitudes. Si l’on en croit Laurent Adamovicz, celui qui fut engagé par le Crédit Lyonnais, en 1992, pour trouver un acquéreur au Groupe Adidas que Bernard Tapie cherchait à vendre, « la banque aurait fait une excellente opération, pour son propre compte, en cachant à l’homme d’affaires la valeur réelle de l’entreprise, très supérieure à celle qui en avait été donnée, et en omettant de lui dire que l’accord passé avec l’acheteur, Robert Louis-Dreyfus, contenait une clause d’intéressement sur la plus-value réalisée ». (Yves Thréard-Le Figaro-10.12.2015) : une pratique qui fit longtemps florès chez les « marchands de biens » et qui ressemble, à s’y méprendre, à la revente des options d’achats d’actions…
Face à l’Etat et à l’omnipuissance de Bercy, Bernard Tapie n’avait aucune chance de gagner, en dépit de l’arbitrage favorable qui lui avait été rendu, sous la Présidence de Nicolas Sarkozy : on notera, au passage, que la justice est si indépendante et le droit si bien écrit, qu’en l’espace de quelques mois, les mêmes faits peuvent conduire à des jugements totalement contradictoires…
Après avoir perdu ses soutiens politiques, le fait, pour Bernard Tapie, d’avoir choisi pour défenseur un spécialiste incontesté de l’arbitrage, Maître Emmanuel Gaillard (Shearman and Sterling), était très loin de constituer un gage de garantie suffisant pour « gagner le match ». L’équipe adverse, elle, avait préféré s’adresser à un autre Cabinet d’avocats américain, Orrick-Rambaud-Martel, un Cabinet qui, lui, a su s’attacher les compétences (carnet d’adresses et réseaux d’influence, en particulier…) de plusieurs personnalités de premier plan : Pascal Clément, ancien Ministre de la Justice, Bernard Lafaye, ancien Avocat Général près de la Cour d’Appel de Paris, Bernard Attali, ancien Président d’AIR-France et, « cerise sur le gâteau », Alain Juillet, ancien Directeur du Renseignement à la DGSE, devenu Haut-Responsable à l’Intelligence Economique au Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN), avant de présider le Club des Directeurs de la Sécurité des Entreprises (CDSE).
Dès lors, il n’était pas difficile de comprendre que « notre Nanard national », aussi populaire qu’il fut, n’avait aucune chance de ressortir « vivant » de son procès : « une exécution pure et simple », dira son avocat, après que son client ait été condamné à rembourser la bagatelle de 404 623 082 euros et 54 centimes, plus les intérêts courant depuis 2008.
C’est un fait, Bernard Tapie est loin d’être un enfant de chœur… Il n’empêche : dans cette affaire, il n’en est pas moins la victime expiatoire d’un système dans lequel ceux qui sont à l’origine de la grande débâcle industrielle de notre pays et d’un gaspillage éhonté de l’argent public n’ont jamais été inquiétés et condamnés à rembourser le moindre euro aux contribuables…
En outre, par-delà le match « Tapie-Crédit Lyonnais », se joue une autre partie, autrement plus sérieuse, qui vise à barrer la route de la Présidentielle à Nicolas Sarkozy : le renvoi de Christine Lagarde devant la Cour de Justice de la République en atteste…
Ex-associée du premier Cabinet d’avocats d’affaires américain, Baker and Mc Kenzie, spécialiste du Droit social, elle eut sans doute le grand tort d’avoir plaidé, dès 2005, en faveur d’une réforme en profondeur du Code du Travail, lorsqu’elle fut appelée au gouvernement, sur instruction de l’ancien Président.
Comme on le voit, le fumeux « Front Républicain », sous couvert de bonnes intentions, est avant tout destiné à assurer la survie d’un système « à bout de souffle », régulièrement et sévèrement contesté dans les urnes…