Aurait-on la mémoire courte, chez Volkswagen ?..
C’était en 1993 : Volkswagen recrutait José Ignaccio Lopez de Arriortura, ancien Vice-Président de General Motors (GM). Dans ses bagages, le basque n’avait rien trouvé de mieux que d’emporter avec lui une quarantaine de cadres du constructeur OPEL, filiale de GM, ainsi que 20 000 documents et disquettes confidentielles portant aussi bien sur les plans des moteurs de nouvelle génération que sur les tarifs de 60 000 pièces détachées. Pour faire bonne mesure, il était également parti avec les plans d’une usine révolutionnaire que GM projetait d’implanter en Espagne…
Au terme d’une bataille judiciaire homérique, GM abandonnait les poursuites engagées contre Volkswagen, en Allemagne et aux Etats-Unis, contre le paiement d’une indemnité de 100 millions de dollars et la signature d’un contrat obligeant le constructeur allemand à commander à GM, durant sept années, des pièces détachées pour un montant de 1 milliard de dollars…
Bon nombre d’observateurs auraient pu penser que pareille aventure aurait servi de leçon à un Groupe qui, en juillet dernier, ravissait la place de n°1 mondial à Toyota ?…
Pas du tout !… « Nous avons complètement merdé … » : tel est le terrible aveu formulé par Michael
Horn, le patron de Volkswagen of America, à la suite de ce nouveau scandale portant sur un logiciel embarqué, conçu par Bosch, et destiné à fausser les mesures de pollution de ses moteurs diesel. Dans la foulée, Martin Winterkorn, le Président du Directoire du Groupe, n’avait pas d’autre choix que de démissionner, non sans avoir présenté ses plus plates excuses aux
clients de la marque, à l’opinion publique et aux autorités américaines.
Face à une telle crise, le meilleur des communicants n’a pas d’autre choix que d’adopter un « profil bas », en reconnaissant ses fautes…
Mais enfin, comment un Groupe aussi puissant, porteur de marques prestigieuses (Porsche, Bentley, Bugatti, Lamborghini) ou à forte notoriété (Volkswagen, Audi…) a-t-il pu tomber dans un piège aussi stupide ?
La Direction générale du Groupe était-elle informée du « bidouillage » qui avait été mis en place par ses ingénieurs afin de tromper la vigilance de l’Agence fédérale de protection de l’environnement américaine (EPA) ?…
On peut faire confiance à la justice américaine et à la cohorte d’avocats, adossés à des cabinets d’intelligence économique, pour établir avec précision le niveau de responsabilité de chacun des acteurs.
Quelle que soit l’issue de ces investigations, il apparaît très clairement que les conséquences de cette supercherie n’ont absolument pas été prises en compte, en interne, par leurs instigateurs : ces gens-là auraient voulu « tuer » leur entreprise qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement … Chacun d’entre nous a encore en mémoire la mésaventure que connut Perrier, en 1990. Certes, il ne s’agissait pas d’une tricherie.
Il n’empêche : la découverte, par un laboratoire américain (déjà…), de traces de benzène dans 13 bouteilles de la marque avait entraîné le retrait et la destruction de 280 millions de bouteilles dans le monde, dont 160 millions aux Etats-Unis. Si, dans cette affaire, une erreur humaine fut officiellement invoquée (un problème de filtre non remplacé dans les délais…), elle conduisit, deux ans plus tard, au démantèlement du Groupe Perrier (Contrex, St Yorre, Vichy, Volvic, Oasis, Roquefort,…) et à son rachat par Nestlé.
Nul ne saura sans doute jamais si le Groupe Volkswagen a fait l’objet d’une déstabilisation savamment orchestrée par le puissant lobby automobile américain et son syndicat unique (U.A.W), victimes de fermetures d’usines, en cascade, chez Chrysler, General Motors ou encore, Ford, dans le nord du pays (cf. Le Figaro Economie du 17.02.2014 – Pierre Yves Dugua).
Nul ne peut dire, également, s’il s’agit là d’une mauvaise manière faite à la Chancelière Angela Merkel et à l’image d’excellence attachée à l’industrie allemande et au leadership qu’elle occupe en Europe.
Le mal est fait et il faudra, pour Volkswagen, boire le vin jusqu’à la lie : il eût été tellement plus simple et tellement plus économique d’y réfléchir avant…