« Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe ! », « l’Europe ! », « l’Europe ! », mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien… », déclarait le Général de Gaule, le 14 décembre 1965, lors d’une interview télévisée. Sa vision de l’Europe était celle d’une fédération d’Etats souverains liés par des intérêts stratégiques et économiques communs : toute autre conception ne pouvait reposer que sur des « mythes, des fictions ou des parades… ». (Conférence de presse du 15 mai 1962)
La position britannique n’a jamais été celle-là, Churchill n’ayant jamais pu supporter, pas plus que les américains, cette « ambition insensée » que De Gaulle nourrissait pour la France, à l’aube de la Libération. Il plaidait, lui, pour un « super-Etat fédéral européen », à l’image des Etats-Unis d’Amérique…
Le 4 juin 1944, au cours d’un déjeuner organisé à l’initiative du Premier Ministre britannique, ce dernier avait laissé éclater sa colère face au Représentant déclaré de la France Libre, pour lequel il était hors de question que les Etats-Unis puissent mettre la France sous tutelle : « Nous allons libérer l’Europe, mais c’est parce que les Américains sont avec nous pour le faire. Et, sachez le, chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons le grand large ! Chaque fois qu’il me faudra choisir entre Roosevelt et vous, je choisirai Roosevelt !… ». (Concours National de la Résistance et de la Déportation)
De Gaulle a toujours eu ses détracteurs (collaborationnistes patentés et éternels nostalgiques d’une Algérie qui n’avait pas vocation à demeurer française…), mais nul ne saurait lui reprocher de ne pas avoir toujours eu une haute opinion de la France, sans tomber dans l’excès : « Le patriotisme, c’est aimer son pays ; le nationalisme, c’est détester celui des autres… », se plaisait-il à répéter, à juste titre…
Certes, David Cameron n’est pas Churchill et la Grande-Bretagne d’aujourd’hui n’est plus tout-à-fait celle d’hier. Il n’empêche : les Anglais ont toujours su faire preuve d’indépendance et privilégier leurs intérêts, avant toute autre espèce de considération … Qui pourrait le leur reprocher, en dehors de ceux qui s’échinent à nous faire croire que les peuples seraient disposés à faire table rase de leur Histoire, de leur culture et de leurs traditions ?…
En fait, David Cameron ne fait pas autre chose que de s’inscrire dans la droite ligne de ses prédécesseurs : un pied dans l’Europe, un pied « au grand large », en fonction des intérêts de la Couronne…
Les Allemands font exactement la même chose, eux qui ont sur tirer le meilleur profit de la chute du Mur de Berlin, un évènement majeur auquel les Américains ne sont pas étrangers.
Alors que la réunification de la RFA et de la RDA (03 octobre 1990) allait rendre au peuple allemand son identité, sa dignité et sa fierté, la guerre menée dans l’ex-Yougoslavie, aux côtés des Etats-Unis, achevait de lui redonner une légitimité politique et militaire : comment pourrait-elle oublier ce qu’elle doit à l’Amérique ?…
Ainsi, tandis que les Etats-Unis savaient pouvoir compter, indéfectiblement, sur deux des acteurs les plus dynamiques de la Communauté Européenne, la France, compte-tenu de ses performances économiques exécrables, était reléguée au rang d’une puissance de second ordre, au point de réintégrer, « sans tambours ni trompettes », le Commandement militaire intégré de l’OTAN, le 11 mars 2009…
Ainsi, tandis que l’Amérique, l’Angleterre et l’Allemagne redessinent, chaque jour, les contours politiques et économiques du monde d’aujourd’hui, nos hommes politiques et autres technocrates associés continuent de courir après des chimères, rêvant d’une Europe toujours plus élargie, passant de 27 Etats membres à 36, voire même 42…
Dans un débat opposant Valéry Giscard d’Estaing à Daniel Cohn-Bendit, sur BFM-TV, le 29 octobre 2014, tous deux partageaient l’idée selon laquelle « la France n’était pas un grand pays… ». Quoi de plus naturel pour des gens qui, toute leur vie, n’ont eu de cesse de détruire l’héritage du Général de Gaulle, pour des motifs très différents, au moins en apparence…
Les anglais, comme les allemands, ont bien raison de rejeter ce « toujours plus d’Europe » voulu par ces soi-disant élites dont le narcissisme et l’incompétence n’ont d’égal que leur absence totale d’ambition pour la France : en réalité, ce n’est pas que la France soit trop petite ; c’est que, pour ces gens-là, elle est beaucoup trop grande…