Chacun d’entre nous connaît dorénavant la fameuse fiche « S », visant les personnes susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat : terroristes, en tout premier lieu, mais également des individus connus pour des actes de rébellion (altermondialistes) ou pour hooliganisme…
Bien que l’homme qui a tiré sur le policier de la BAC (Brigade Anti Criminalité), le 6 octobre dernier, ait été inscrit sur ce fichier, pour s’être « radicalisé » en prison, cela n’aurait pas pour autant permis de l’interpeller. En revanche, le fait qu’il était « en cavale », depuis le 27 mai, suite à la permission de sortie qui lui avait été accordée, lui avait valu une fiche « V » (évadé) et, à ce titre, il aurait pu être arrêté.
Que, d’un côté, la justice accorde une permission de sortie à un détenu condamné à six années d’emprisonnement pour « vols aggravés », alors même que ce dernier avait été incarcéré en 2013, cela paraît incompréhensible. Que, d’un autre côté, la police ne soit pas parvenue à retrouver sa trace avant le tragique braquage du 6 octobre, cela est tout aussi incompréhensible…
Si, à juste titre, les policiers sont excédés de passer leur temps à arrêter de jeunes délinquants « multiréitérants », jamais condamnés (voir Lettre S du 15 septembre 2015), et de risquer leur vie, en permanence, face à des criminels et terroristes multirécidivistes et déterminés, c’est aussi parce que la justice, qui est réputée dire le droit, est beaucoup plus attachée à la forme et « à la lettre » qu’au fond… Ainsi, aujourd’hui, on ne compte plus le nombre de dysfonctionnements majeurs commis au regard d’une interprétation abusivement rigide de la procédure, pour le plus grand bénéfice des malfrats, des terroristes et de leurs défenseurs…
Cette interprétation connaît, fort heureusement, de nombreuses exceptions quand, policiers et magistrats, unis pour la bonne cause, savent faire preuve de réalisme et d’efficacité en donnant à des enquêtes judiciaires « mal ficelées » le cadre juridique qui convient. Tout le problème réside dans la difficulté à définir ce qu’est « une bonne cause » et d’éviter toute instrumentalisation à des fins partisanes.
Lorsque Manuel Valls, Chef des armées, assume la responsabilité des frappes aériennes sur les camps d’entrainement de Daesh, en Syrie, il n’ignore pas que des ressortissants français s’y trouvent : dans ce cas précis, il s’agit moins de « légitime défense » que d’une « élimination radicale, à titre préventif », sans jugement.
Pour autant, en dehors des familles des victimes et des droits-de-l’hommistes, cette entorse au Droit semble bien avoir fait consensus, à gauche comme à droite : quand on prend les armes, on doit savoir que l’on s’expose à la « peine de mort », sans autre forme de procès…