En matière de prévention et de gestion des risques, l’Etat n’est jamais à court de plans de secours ou d’urgence. S’ils ont leur utilité, il est illusoire de croire qu’ils contiennent toutes les réponses face aux multiples interrogations posées par des comportements humains totalement imprévisibles ou inimaginables…
Le plan Rouge, instauré au lendemain d’un sinistre majeur qui s’était déclaré dans un vaste ensemble immobilier de la rue Raynouard, dans le 16ème arrondissement, à Paris, en est l’une des illustrations.
Le 27 février 1977, un incendie, suivi de trois explosions, y avait fait 12 morts et plusieurs dizaines de blessés : l’enquête détermina que l’origine du sinistre était dû à une fuite de gaz…
Sauf que, quelque temps plus tard, voilà que plusieurs incendies « à répétition » se déclenchèrent à nouveau, sans explication, dans les sous-sols d’un immeuble voisin, dans cette même rue : cette fois, la piste criminelle fut privilégiée… Ce n’est qu’à la suite d’une longue enquête que les policiers, avec l’aide d’une société de sécurité privée, parvinrent à éclaircir ce mystère. Cet immeuble disposait de deux loges de gardiens distinctes. Or, pour des motifs économiques, la copropriété avait décidé de se séparer du couple qui occupait l’une d’entre elles. Hé bien, figurez-vous que c’est ce dernier qui avait imaginé ce scénario insensé aux fins de convaincre les propriétaires de l’utilité de leur présence : fort heureusement, il n’y eut pas de victimes, alors que l’un des incendies s’était déclaré à proximité d’une armoire électrique…
Cette anecdote, à elle seule, démontre à quel point la bêtise et la folie humaines peuvent mettre à mal tous les plans de prévention et procédures soigneusement élaborés, tant au niveau de l’Etat qu’au niveau des entreprises. S’il est relativement aisé d’appréhender et de prévenir les risques industriels et technologiques, on oublie trop souvent que derrière les machines et les écrans, il y a des hommes et des femmes et que ce sont eux qui sont, presque toujours, à l’origine de sinistres majeurs : par négligence, par incompétence, par vengeance, ou pour des motifs totalement irrationnels.
Le 21 décembre dernier, un engin explosif était découvert dans les toilettes d’un boeing d’ AIR-FRANCE assurant la liaison entre l’île Maurice et Paris, obligeant à un atterrissage d’urgence, à Monbasa, au Kenya. Or, cet engin artisanal avait été confectionné, durant le vol, par un passager, ancien policier du Raid à la retraite. C’est ce même policier qui, lors d’une
visite de Nicolas Sarkozy, à la Réunion, avait désamorcé une bombe qui avait été placée devant le Commissariat de Saint-Pierre. (Réunion 1ère-21.12.2015)
Pures folies ou opérations destinées à mettre en évidence les failles des dispositifs de sûreté ?… L’enquête nous le dira peut-être…
Ce scénario « abracadabrantesque » n’est pas sans rappeler celui de cet autre policier qui, la veille d’une visite de Nicolas Sarkozy, en Corse, en 2003, s’était tiré une balle dans le ventre, juste pour attirer l’attention du Ministre de l’Intérieur, suite au refus qui lui avait été signifié au regard de sa demande d’ accéder au grade supérieur.
En ce même mois de décembre 2015, un enseignant du groupe scolaire Jean-Perrin à Aubervilliers (93) affirmait avoir été « poignardé au flanc et à la gorge, dan sa classe, par n individu en tenue de peintre, ganté et cagoulé, se réclamant de Daech… » (Le Point-14.12.2015) Suite à cette nouvelle agression à caractère terroriste, le Ministre de l’Education Nationale, ainsi que le Préfet, s’étaient déplacés sur les lieux, parlant d’un « acte d’une grande gravité, dans un contexte où l’école se sent menacée, et allant jusqu’à mettre en place une cellule de soutien psychologique en direction du personnel d’encadrement et des élèves… » : beaucoup de bruit pour rien, l’instituteur ayant fini par avouer qu’il avait tout inventé !…
A quand, un nouveau plan d’urgence pour s’assurer de l’intégrité mentale des policiers et des enseignants ?…
En 2004, avait circulé dans les médias du monde entier une vidéo de 45 minutes mettant en scène la décapitation d’un homme, après que celui-ci eût appelé au retrait des troupes américaines en Irak. En fait, il s’agissait d’un montage opéré par un jeune américain du nom de Benjamin Vanderford, employé de banque, qui avait voulu par là démontrer à quel point il était facile de « truquer » ce type de vidéos. Une facétie qui fut loin d’être du goût du FBI et qui valut à son auteur cette magnifique saillie d’Amaury Parra d’Andert : « Benjamin Vanderford, en réalisant cette vidéo, avait-il vraiment la tête sur les épaules ?… ». (Le Point-12.8.2004)
Tout récemment la presse se faisait l’écho de cette saisonnière de 57 ans, employée d’une usine du chocolatier suisse Lindt, à Oloron Sainte Marie (64), qui, dans le but de se voir attribuer un CDD, n’avait rien trouvé de plus intelligent que d’introduire des vis, des écrous et des boutons de pression dans les boîtes de chocolat… Le Parquet n’a pas davantage goûté cette plaisanterie, qui a condamné la « brave femme » à un an de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve. Quant à la Direction de l’usine, elle fut contrainte de débourser 500 000 euros au titre du rappel des lots « contaminés » et du renforcement des mesures de sûreté.
Les exemples sont légion d’individus dont, à un moment où à un autre, le cerveau se met à « buguer », pour mille et une mauvaises raisons…
Le problème tient au fait que l’identification des risques et des menaces et les plans qui en découlent sont trop souvent axés sur la sécurité et plus rarement sur la sûreté. Or, c’est précisément cette fonction, essentielle, qui a pour objet de prévenir les dysfonctionnements générés par le cerveau humain, volontaires ou accidentels.
Si chacun peut convenir, globalement, que la sécurité est une science, la sûreté, elle, est un art : c’est incontestablement à ce niveau que se situe la valeur ajoutée des experts et spécialistes…